dimanche 12 octobre 2014

Avertissement

Normalement, dans un blog, les articles les plus récents sont ceux qui apparaissent en premier, les plus anciens étant accessibles à la fin par un menu déroulant.
Par contre, pour faciliter la lecture, les articles de ce blog, maintenant terminé, sont classés par ordre chronologique.
Pour cela, les dates d'édition ont été modifiées, les articles plus anciens devenant les premiers à la lecture. Ce qui fait que la mention de bas de page "articles plus anciens" renvoie en fait aux articles suivants, plus récents.

L'introduction de Jean-Marie Mengin






GR 65 / Camino francés

Sentier de St-Jacques-de-Compostelle

(Genève – Santiago de Compostela)

-1860 km-




La FFRP a entrepris depuis plusieurs années la création ou la réhabilitation d’anciens itinéraires connus pour avoir été empruntés par des pèlerins en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
Selon le Guide du Pèlerin, rédigé vers 1140 par le moine Aimery Picaud, il y a quatre chemins qui conduisent à Saint-Jacques. Avec la voie d’Arles, de Vézelay et de Tours, Le Puy-en-Velay est le point de départ de l’un d’entre eux. C’est la « via podiensis ».
Un sentier balisé de nos jours en tant que GR « chemin de Saint-Jacques » ne peut prétendre à l’historicité. Mais il doit nécessairement respecter les étapes du Guide, voire les points de passage essentiels attestés par les documents anciens.
La « via podiensis » est la première à avoir été classée sentier de grande randonnée, au plus près de la réalité historique. Le sentier GR 65 qui commençait au Puy-en-Velay pour se terminer à Saint-Jean-Pied-de-Port au pied des Pyrénées est intégralement balisé depuis une trentaine d’années.
Cette route est maintenant précédée d’un tronçon Genève - Le Puy que pourront emprunter les randonneurs-pèlerins en provenance de Suisse, d’Allemagne et d’Europe centrale. Il s’agit d’un itinéraire contemporain aménagé en collaboration avec les Amis de Saint-Jacques, en Rhône-Alpes.
En Espagne, le chemin de Saint-Jacques s’effectue par le « Camino francés ».
Les chemins de Saint-Jacques sont inscrits au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco (1998).

Le GR 65/Camino francés relie Genève à Saint-Jacques-de-Compostelle, de la Suisse à l’Espagne. Il débute dans la plaine genevoise, aborde les flancs préalpins du massif du Salève, traverse le Jura savoyard, les collines du Bas-Dauphiné (piémont préalpin de la Chartreuse), le Massif central, le Bassin d’Aquitaine, les Pyrénées, la vallée de l’Ebre, effleure la Cordillère ibérique, traverse le plateau de la Meseta septentrionale et se termine dans les monts Cantabriques en Galice.
Ce faisant il traverse en France le parc naturel régional du Pilat, le parc naturel régional des Causses du Quercy.

J’ai réalisé ce parcours en six périodes, de mars 2009 à septembre 2013, en compagnie de Viviane qui assurait l’intendance et que je retrouvais chaque jour à l’étape.


https://caminofrancesdejmmengin.blogspot.fr


Mardi 24 mars 2009 : Genève – cimetière de Saint-Blaise.

Dans les rues de Genève, en SUISSE, avec sac à dos et chaussures de randonnée, j’ai un peu l’impression de faire tache parmi les costumes-cravates des grandes avenues…
C’est à Carouge, séparée de Genève par l’Arve, que commence le GR 65, sentier de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Dès le Moyen Age, de nombreux pèlerins, qui empruntaient l’un des quatre itinéraires principaux traversant la France, arrivaient de points d’Europe beaucoup plus orientaux ou septentrionaux. Pour les pèlerins venant de Suisse et d’Allemagne, la route débutant à Genève fait partie de ces itinéraires rattachés à une voie principale (la « via podiensis » à partir du Puy). On lui a donné un nom traditionnel la rattachant à l’histoire du pèlerinage, à savoir la « via gebennensis », du nom de son point de départ, Genève.
A 9h, je débute ma randonnée sur la place de l’Octroi à Carouge, dans cette ville à l’urbanisme post-médiéval. Elle fut construite au XVIIIe siècle par le roi de Sardaigne, duc de Savoie. Elle a toujours constitué un dérivatif à l’austérité calviniste genevoise.
Je traverse la ville aux tramways colorés.
Le sentier est balisé avec des panonceaux jaunes helvétiques ainsi que des coquilles stylisées jaunes sur fond bleu (balisage européen des sentiers de Saint-Jacques).
Je franchis la Drixe au cœur d’un vallon boisé. Les bruits de la ville s’éloignent. C’est le printemps : pétasites hybrides et corydales creuses sont en fleur sur la lisière.
Bien vite, je retrouve l’agglomération. Au Saconnex-d’Arve, le sentier entre dans la campagne du canton de Genève. A Compesières, je fais une brève halte à l’église Saint-Sylvestre, ancienne commanderie de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (devenu plus tard l’Ordre de Malte). A Bardonnex, au hameau de Charrot, un coffre en libre-service permet de s’enregistrer au premier point de passage du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, par l’apposition d’un tampon jacquaire sur sa « credencial ». C’est une carte d’accréditation délivrée au pèlerin qui a pour but de lui reconnaître le statut de pèlerin (et ce faisant, d’accéder aux refuges en France et en Espagne), de lui permettre d’obtenir, à son arrivée à Santiago, la « Compostela », attestant de son pèlerinage.
Le sentier parcourt un paysage de vieux arbres au tronc ventru, susceptibles d’accueillir la chouette chevêche. Jadis abondante, la chouette chevêche a presque complètement disparu de Suisse. Elle fait l'objet d'importants efforts de protection depuis plus de 15 ans. La survie de l'espèce passe par la conservation de son habitat et de sa tranquillité, notamment la conservation des vieux arbres à cavités.

Traversant quelques vignes, j’atteins la frontière. Une barrière matérialise le passage. Franchissant la route nationale N206, j’entre en FRANCE (département de Haute-Savoie).
Bienvenue sur le GR 65, dit un panneau qui annonce que St-Jacques-de-Compostelle est à 1854 km.
Le marquage blanc et rouge traditionnel des GR prend le relais, jumelé avec le balisage européen de la coquille de Saint-Jacques.
Franchissant la voie ferrée puis l’autoroute A40, le sentier se dirige au sud. Beau panorama sur les sommets enneigés du Jura.
J’arrive à Neydens. Au milieu du carrefour, le monument aux morts est une ancienne borne milliaire romaine sur la voie d’Annecy à Genève, sur laquelle se greffera plus tard la Route du Sel. Des primevères acaules fleurissent sur les bas-côtés, l’hellébore fétide est déjà bien en pousse. A la Forge, je fais une halte dans un bistro-alimentation pour boire une bière et faire des achats.
Le sentier va maintenant prendre de la hauteur, quittant la plaine genevoise pour se diriger vers les flancs préalpins du massif du Salève.
Sous forêt, je m’arrête pour casser la croûte, assis sur un rocher. En contrebas, un âne dans un enclos… Le temps est instable. Le soleil printanier laisse la place à de lourds nuages noirs.
A Beaumont, une giboulée de neige aussi soudaine que brève blanchit le paysage. Lorsque j’atteins la sortie du village, le soleil réapparaît.
L’itinéraire pénètre dans le domaine privé de la chartreuse de Pomier (780 m). Dans le magnifique bois de fayards (hêtres), le balisage est constitué de véritables coquilles Saint-Jacques.

L’ancienne chartreuse a été fondée en 1170. Les moines en furent chassés pendant la Révolution, et les bâtiments abandonnés. Il ne reste de la chartreuse que le bâtiment principal et les corps de ferme.

Le GR 65 se poursuit au pied du Salève et atteint le cimetière de Saint-Blaise (875 m).
Jonction avec le GR Balcon du Léman.
C’est ici que m’attend Viviane, à 15h, dans notre fourgon Boxer aménagé en camping-car.


Nous roulons ensuite jusqu’à Annemasse où nous retrouvons Jean-Lionel. Nous faisons des courses ensemble et rentrons à Chevranges dans la soirée.

Mercredi 25 mars 2009 : Cimetière de Saint-Blaise – Contamine-Sarzin.

Viviane, accompagnée de Maxime (notre petit-fils), m’emmène pour 10h au cimetière de Saint-Blaise.

La colline est battue par un vent froid. Je me mets en route à travers champs, atteins une croix de bois et descends vers le col du Mont-Sion. Sur l’ancienne voie romaine, le col du Mont-Sion hébergeait les voyageurs et les pèlerins.
Entre champs et prairies, je monte à la croix du Vin et descends au village de Charly, avec son clocher à bulbe du XVIIIe siècle. Sur un chemin empierré, je remonte vers la croix Biche.
Panorama sur le lac Léman, la chaîne des Alpes et le Jura. J’atteins La Motte à midi.
J’y attends pendant trois quarts d’heure Viviane qui s’est égarée. Elle me rejoint avec Maxime et Oscar (notre chien, de race golden retriever). Nous allons manger dans le fourgon, un peu plus loin.
Je reprends le cours de mon sentier vers 14h. Les primevères émergent de partout.
Après le hameau de Vernet, je traverse le bois de Massy. Quittant les flancs du Salève, je débouche sur la D7.
Je franchis le pont de Peccoud et commence à arpenter les flancs de la montagne de Vuache. C’est un pittoresque chaînon jurassien en terre savoyarde, une continuation de la haute chaîne des Monts Jura, après le défilé de l’Ecluse où s’engouffre le Rhône.
Sur la petite route qui monte à Contamine-Sarzin, je retrouve Viviane, Maxime et Oscar qui viennent à ma rencontre. Notre vieux chien essaye bien de rattraper Maxime qui accourt vers moi, mais en vain !
Il est 16h.

Nous rentrons alors à Chevranges.

Jeudi 26 mars 2009 : Contamine-Sarzin – Moucherin.

Ce matin, nous quittons définitivement Chevranges.

Soleil plus généreux aujourd’hui.
Je me mets en route à 10h ; je traverse Contamine-Sarzin, descends à travers les prés jusqu’au pont du Pissieu. C’est une cluse entre la montagne de Vuache et le mont de Musièges, où le ruisseau s’engouffre en une gorge profonde.


             
L’itinéraire atteint Le Malpas, coupant les lacets de la route, et grimpe en sous-bois. Un bel oiseau, le tichodrome échelette, l’ « oiseau papillon », de couleur cendre et carmin, arpente la paroi d’un rocher d’escalade, avec ses ailes écarlates à moitié ouvertes.
A l’entrée de Chaumont, le GR Balcon du Léman se sépare du GR 65 et se dirige vers la montagne de Vuache. Le GR 65 se poursuit vers le hameau de Collonges. Il contourne une ancienne ferme-château et descend à Frangy. Viviane m’attend à midi devant l’église.
Nous mangeons dans le Boxer, sur le parking d’un supermarché, déserté à cette heure.

Le sentier de Saint-Jacques franchit le torrent des Usses sur le Grand pont (piétonnier). On foule l’ancienne Route du Sel sur le tracé de la voie romaine. Le parcours va s’effectuer sur chemins agricoles et routes.
Une buse plane, un busard Saint-Martin voltige sur champs et prairies en un vol glissé…
Je franchis le vallon de Croasse, je traverse Desingy. J’atteins bientôt par la route les quelques fermes de Moucherin, après ma rencontre à 16h avec Viviane et Oscar.

A 17h15, nous trouvons à Frangy un petit camping ouvert en permanence, pour des travailleurs saisonniers ou des gens sans logement.

Vendredi 27 mars 2009 : Moucherin – pont de la Loi.

L’horizon s’ouvre sur la vallée du Rhône. A partir de Moucherin, le sentier débouche sur le pays de Seyssel, enchâssé entre le Grand Colombier et la Montagne des Princes. Au carrefour des Côtes, il descend vers le Rhône, contournant Seyssel sur les hauteurs, et atteint le pont sur le Fier, au débouché d’une cluse. L’itinéraire quitte le département de la Haute-Savoie pour celui de la Savoie. Viviane est installée de l’autre côté du pont, sur les bords du Fier qui se jette dans le Rhône non loin de là. Nous mangeons dans le camping-car.
Après une sieste, je repars, traversant une zone de loisirs. Panneau d’information sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Je me retrouve sur les berges du Rhône.
Au traité de Lyon, en 1601, la France s’approprie la Bresse, le Bugey et sept têtes de pont sur la rive gauche du Rhône. En 1760, la frontière entre la France et la Savoie fut fixée au milieu du fleuve. En 1860, cette région fut rattachée à la France.
Je vais d’abord cheminer sous les flancs de la montagne du Gros Foug, un long mont anticlinal jurassien qui viendra mourir sur la berge orientale du lac du Bourget.
Après le barrage de Motz, me détournant du fleuve, j’emprunte un chemin herbeux puis une piste forestière, jusqu’à rejoindre une zone industrielle et d’habitations. Les forsythias sont en fleurs dans les jardins.
Le GR 65 rejoint la rive du Rhône. Sous forêt, s’étendent les tapis denses de l’ail des ours. Les îles de la Malourdie sont isolées entre le Rhône canalisé et le cours libre du fleuve. Je parcours une vaste peupleraie dans la plaine alluviale de la Chautagne. Des harles bièvres sont fort occupés à lisser leurs plumes sur les îlots de gravier.
Aux premières maisons du hameau de la Loi, le sentier grimpe sur un muret, emprunte un chemin de digue et atteint le pont de la Loi.
Ici, sous le pont, s’opère la jonction avec le GR 9, sentier Jura-Côte d’Azur.
Je retrouve Viviane à 17h15.

Nous gagnons pour 18h un camping à Chanaz où nous avions dormi le 24 mars 2002. L’espace pour les gens de passage s’est amélioré depuis !

Samedi 28 mars 2009 : Pont de la Loi – Yenne.

A 9h, je m’engage sous un ciel chargé entre Rhône et marais. C’est une zone inondable.
L’itinéraire est commun avec le GR 9, déjà parcouru en mars 2002.
Les GR bifurquent entre deux gravières. Les castors du Rhône ont laissé de nombreuses traces d’arbres malmenés par leur activité. Après la zone de loisirs de l’étang Bleu, je poursuis sur une digue le long du fleuve. L’entretien pastoral des berges est effectué par les moutons qui arasent la végétation. Des grands cormorans stationnent sur des arbres morts au milieu du fleuve, faisant sécher leurs ailes.
Je parviens à Chanaz, site médiéval au bord du canal de Chavières qui relie le Rhône au lac du Bourget. Je contourne le camping, emprunte une passerelle piétonnière ; je traverse la bourgade touristique - déserte encore ce matin -, monte vers un moulin à huile et m’engage plein sud sur l’ancienne voie romaine dominant le fleuve. L’oratoire a été rénové.
A partir de Vétrier, je côtoie les premières vignes des vins AOC de Savoie. Je descends sur Montagnin où je retrouve à midi Viviane.

Nous nous éloignons afin de trouver un endroit pour manger dans le Boxer, au bord de la route.

Il est 14h30. Il pleut maintenant, par giboulées intermittentes. Les GR traversent les villages viticoles : Vraisin, Aimaville, Jongieux. Ils coupent les lacets de la route, s’élèvent dans les vignes jusqu’à Jongieux-le-Haut. Ils montent à la chapelle Saint-Romain (420 m) sur une butte qui domine le vignoble. Ils rejoignent une falaise qu’ils vont longer sous les buis en un étroit sentier, puis plongent en lacets dans la vallée du Rhône.
Coupant la route départementale, je m’engage à travers champs pour rejoindre le fleuve. Je poursuis sur un chemin inondable le long des berges. Aulnes et frênes subsistent sur les îles formées par les lônes, antiques bras du Rhône ; saules et chênes peuplent la berge ; renouées du Japon et prêles envahissent les rives.


Les lônes, antiques bras du fleuve



J’atteins Yenne à 17h30, où je retrouve Viviane et Oscar.

Nous retournons au camping de Chanaz pour 18h30.

Dimanche 29 mars 2009 : Yenne – Grésin.

Nous sommes passés cette nuit à l’heure d’été.
Yenne est la petite capitale du Bugey savoyard. Je quitte la ville à 10h40 pour monter vers la chapelle Notre-Dame de la Montagne qui veille sur le défilé de Pierre-Châtel (ou cluse de la Balme), creusé par le Rhône dans sa traversée du Jura.
D’un point de vue géologique, le massif du mont Tournier peut être considéré, avec la chaîne de l'Épine, comme l'extrême sud du massif jurassien. C’est une lourde échine qui domine du côté ouest le cours du Rhône, depuis la cluse de La Balme  jusqu'aux abords de Saint-Genix-sur-Guiers au sud.
La montée s’accentue et conduit à trois belvédères échelonnés. Le sentier, dans les buis et les genévriers, passe à la croix de Chevru. Il devient étroit et longe à flanc le versant ouest de la montagne, au-dessus d’une falaise impressionnante dominant le Rhône.


Après la maison des chasseurs de Traize, je traverse le bois de Glaize  et retrouve  le bord de la  falaise. Je grimpe à 856 m sous les contreforts du mont Tournier, avant de déboucher à la Pierre-Vire, un rocher en équilibre au-dessus du vide. A travers des prairies, je rejoins Le Borgey, un village-belvédère sous le mont Tournier (715 m).

Il est 15h. Avec Viviane que je viens de retrouver, nous  allons stationner sous forêt non loin du col du Mont-Tournier. Des plaques de neige sont encore présentes sur les bas-côtés. Nous mangeons dans le fourgon.

Après une sieste, à 17h, je me décide à repartir pour une heure de marche. Passées les quelques maisons du hameau de la Mare, je m’éloigne à travers prés. Une statue de Saint Jacques rappelle aux pèlerins qu’ils sont en route pour Compostelle.
A Saint-Maurice-de-Rotherens, le GR 9 se dirige vers le massif préalpin de la Chartreuse. Le GR 65, au village, descend vers le lavoir. Dans le bocage sous les flancs du massif du mont Tournier, il se  poursuit jusqu’à l’église de Grésin.
J’y retrouve Viviane en promenade avec Oscar auprès d’une ferme caractéristique de l’avant-pays savoyard.

Nous recherchons un camping sans succès. A la tombée de la nuit, nous nous installons dans la nature, au-dessus de Yenne, au départ du sentier, juste sous la chapelle Notre-Dame de la Montagne.

Lundi 30 mars 2009 : Grésin – Romagnieu.

A 9h30, depuis Grésin, je chemine en descente sous les flancs du massif.
Le temps est couvert. Sous une grange, du thé et du café sont à disposition du pèlerin en route vers Saint-Jacques.
Le GR 65 plonge vers Côte Envers, franchit un ruisseau, atteint le pas de l’Ane, grimpe dans le bois et débouche  au lieu-dit Vuillerot. Vue sur la plaine du Guiers, depuis ce dernier promontoire de l’échine jurassienne.
Coupée de son département par la barrière du Chat et de l’Epine, véritable excroissance du Jura en terre savoyarde, la région rappelle plutôt la campagne du Bas-Dauphiné. L’habitat dominant est la maison dauphinoise, bien souvent construite en pisé (argile) et couverte d’une toiture à forte pente caractérisée par quatre pans inégaux. On peut également observer quelques maisons de pierre avec comme particularité les pignons à redents, typiques du Bugey.
La montagne de l’Epine et du Chat a fait que les pays du Guiers ont été méconnus des Dauphinois parce qu’ils sont situés en terre savoyarde, et des Savoyards parce que situés de l’autre côté de la montagne. Cependant, même s’il se rattache au Bugey par sa géographie et au Bas-Dauphiné par la civilisation traditionnelle, Saint-Genix est, par son histoire, profondément enraciné dans la province savoyarde.
Depuis la chapelle de Pigneux, l’itinéraire blanc et rouge gagne Saint-Genix-sur-Guiers, franchit le pont qui enjambe la rivière. Ce faisant, il entre dans le département de l’Isère.
C’est bien la fin du massif jurassien.
Le GR suit le bord de la rivière. Sur les îlots de gravier, des couples de harles bièvres…
Le sentier longe le lac de Romagnieu, franchit l’autoroute A43 et arrive à proximité du cimetière de Romagnieu. C’est là que Viviane me retrouve à 11h30. Nous mangeons sur place.

Nous entreprenons par la suite notre trajet de retour vers Saint-Fargeau, dans l’Yonne.





Mercredi 26 août 2009 : Romagnieu – Valencogne.

Parvenus la veille à Saint-Genix-sur-Guiers (Savoie), nous avons passé la nuit dans un camping de la ville.

Je reprends à 10h au départ de Romagnieu, en Isère, mon parcours sur le GR 65. Le sentier de Saint-Jacques-de-Compostelle s’engage dans la campagne au milieu des champs de maïs, traverse des hameaux, longe des pâtures, côtoie des friches. Sur le parcours, il pénètre dans une cour de ferme avant de remonter sur le hameau de la Bruyère.
A 12h30, je rejoins Viviane et Oscar à l’entrée des Abrets.
Nous déjeunons sur place dans le Boxer. Comme tous les jours à venir je fais une petite sieste, avant de reprendre mon chemin. La brume légère du matin s’est dissipée et le soleil apparaît.
Depuis l’église des Abrets, le GR s’éloigne et quitte la ville. Le soleil est généreux et les lunettes teintées me sont bien utiles.
Par la montée du Riboulet qui mène sur une crête à 497 m, le sentier attaque l’avant-pays alpin : les collines du Bas-Dauphiné, piémont du massif de la Chartreuse. Après le hameau des Alimards, le GR atteint par un chemin de terre une hauteur à 597 m. La vue est dégagée sur les vallonnements et les moutonnements des collines verdoyantes.
En descente par la croix du Brocard, j’atteins Valencogne à 17h30.

Cherchant un endroit où passer la nuit, nous trouvons un camping à Charavines, au bord du lac de Paladru. Nous y baignons Oscar. Un orage éclate dès la nuit tombée…

Jeudi 27 août 2009 : Valencogne – Le Grand Lemps.

A Valencogne, on remarque un oratoire de Saint-Jacques inauguré en 2004.
Par le chemin de l’ancien lavoir, le GR emprunte un sentier caillouteux, monte à travers la campagne sous les châtaigniers, côtoie des troupeaux. Il atteint une hauteur à 650 m d’où l’on a, en se retournant, une belle vue sur le Jura  et la Chartreuse.
Le chemin entre dans le bois puis descend ensuite, très caillouteux, vers Le Pin. A proximité, s’étend le lac de Paladru, enchâssé dans un écrin de vertes collines.
Ce lac s’est formé il y a quelques 12000 ans suite au retrait du glacier du Rhône. Il tire sa renommée de deux sites archéologiques restés durant des siècles immergés, ce qui a permis leur conservation exceptionnelle.
Un chemin pierreux monte jusqu’à l’ancienne chartreuse de la Silve-Bénite, et l’itinéraire se dirige sur Blaune.
L’après-midi, j’emprunte de petites routes, contourne la butte du Molard-Rond ; je débouche sur une route départementale fréquentée et j’utilise un tunnel qui passe sous l’autoroute A48. Après Quétan, je grimpe sur l’ubac de la colline du Banchet à travers forêt et prés jusqu’à l’altitude de 702 m. Vue sur le massif du Vercors. Après la ferme du Futeau, je descends par l’adret dans la forêt pour atteindre l’entrée nord du Grand Lemps où m’attend Viviane.

A 18h, nous nous installons sur une petite aire naturelle de camping à Oyeu.

Vendredi 28 août 2009 : Le Grand Lemps – Faramans.

A partir du Grand Lemps, l’itinéraire va maintenant longer, sous les flancs sud de la colline du Banchet, la plaine de Bièvre, vallée sèche qui s’étale d’est en ouest de Voiron à la vallée du Rhône.
Au quaternaire, le glacier de l'Isère, à la sortie de la profonde tranchée de la cluse de Grenoble, présentait deux langues : l'une creusa l'actuelle plaine de la Bièvre, l'autre la vallée de la basse Isère. La plaine actuelle, large, plate et uniforme, est constituée d'alluvions fluvio-glaciaires et fluviatiles. Vallée fossile, la plaine de Bièvre a un réseau hydrographique réduit au minimum.

Un vent léger atténue la chaleur. Sur les talus, le liseron fleurit et l’yèble étale ses baies noires. Le GR longe des vergers de noyers : il est vrai que nous ne sommes pas loin de la zone AOC de la noix de Grenoble.
L’itinéraire va traverser une zone peuplée comportant beaucoup de passages sur route. Il longe d’abord la plaine au pied de la colline. A partir de La Frette, il contourne le château de la Villardière et se poursuit en balcon, domine Saint-Hilaire-de-la-Côte et atteint le lieu-dit le Rondet, à l’entrée de Gillonay. Ici, à une intersection de sentiers, une sculpture contemporaine indique une variante de la « via gebennensis » vers Saint-Antoine-l’Abbaye. Un nombre important de pèlerins bifurquaient jadis vers le sud pour se rendre à l’abbaye de Saint-Antoine et rejoindre ensuite la voie d’Arles pour continuer vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
Le GR 65 continue par l’allée du domaine de Montgontier (également gîte d’étape), contourne le château, se poursuit vers le carrefour de Notre-Dame et l’église Saint-Maurice. Je retrouve Viviane sous les murs du cimetière.
Au moment où je repars, trois randonneurs me rattrapent et me doublent d’un bon pas, coquilles Saint-Jacques accrochées à leurs sacs à dos.
Voici La Côte-Saint-André. C’est la ville natale d’Hector Berlioz et la ville d’adoption du peintre impressionniste hollandais Jongkind. Le GR longe les murs du château Louis XI, se glisse dans de jolies cours et de coquettes places intérieures par de petits escaliers, pour déboucher sous l’immense halle médiévale. Comme tous les ans, fin août, se prépare le festival Berlioz. Le GR traverse la ville, longe l’ancienne villa de Jongkind. Quittant la ville, il grimpe peu à peu vers la colline, atteint Balbins et Ornacieux, deux communes étroitement imbriquées. Une petite fontaine en forme de coquille attend le pèlerin-randonneur. Je fais une halte dans un bistro. Là aussi un festival se prépare pour la soirée. Le patron, en robe marocaine, distribue ses conseils et ses ordres aux bénévoles qui s’activent.
Le GR surplombe maintenant la plaine de Bièvre, atteint la crête et descend par le versant opposé vers la plaine du Liers. Je m’engage au milieu des champs de maïs, et par un chemin de terre je gagne l’étang du Marais. 


Je serpente dans la zone humide boisée du marais de Faramans. Je remarque notamment les touffes du carex paniculé (ou « têtes de femmes »), typique des lieux humides.
C’est ainsi que j’arrive à 17h45 au camping de Faramans où je retrouve Viviane et Oscar qui s’y sont installés.

La soirée est agréable, bien que le camping soit encore peuplé. Oscar en pleine forme fait avec moi, après le repas, une balade de nuit tout autour de l’étang et dans le marais.

Samedi 29 août 2009 : Faramans – Revel-Tourdan.

Quittant le camping, je traverse Faramans. Construit sur la moraine frontale de l'ancien glacier de l'Isère, le village est à proximité de la confluence de la plaine du Liers avec la plaine de Bièvre. Je franchis le ruisseau du Suzon et, par un raidillon, je grimpe à Pommier-de-Beaurepaire, situé sur une colline. L’architecture de l’église et des maisons de la place (ornées d’ouvertures des XVIIe et XVIIIe siècles) est en pisé et galets roulés. 


A la sortie du village, une table d’orientation permet une vue remarquable sur les plaines de la Bièvre, de la Valloire et au loin sur la chaîne des Alpes. Sur la crête, le vent s’accentue. Il m’accompagnera toute la matinée.
Le GR 65 se poursuit par un beau chemin de crête qui longe ou traverse des bois. Des perdrix grises s’enfuient sans empressement à mon passage. Au bout de quelques kilomètres, je passe au-dessus du château de Barbarin, une maison forte du XIVe siècle située en contrebas. Je descends alors à Revel-Tourdan. Par les ruelles du village bordées de maisons très anciennes aux murs en galets roulés, je rejoins Viviane sur une place.

J’interromps provisoirement ma randonnée. L'après-midi, après avoir mangé dans le Boxer, nous faisons route vers Embrun, dans les Hautes-Alpes. Nous arrivons chez mon oncle François et ma tante Bernadette vers 19h.

Dimanche 30 août 2009 :

Journée à Embrun.

Lundi 31 août 2009 :

Nous quittons Embrun dans l'après-midi et retournons en Isère sur le GR 65.
Nous passons la nuit dans un camping à proximité de Pommier-de-Beaurepaire. Il fait très doux, et Oscar passera toute la nuit à l’extérieur allongé dans l’herbe.

Mardi 1er septembre 2009 : Revel-Tourdan – Saint-Romain-de-Surieu.

Reprise du GR 65 qui franchit le ruisseau du Dolon en contrebas de Revel-Tourdan.
Après un étang, je passe à gué le ruisseau de Fontgarot. Un vent fort malmène le vol d’un épervier qui peine à se diriger. Dans les haies, les sureaux noirs ploient sous les grappes. Leurs branches rouge violacé indiquent aux oiseaux que les baies sont mûres. Une aubaine pour la fauvette à tête noire qui de plus, bien protégée par la couronne des arbres, échappera à l’épervier…
L’itinéraire rencontre la ligne du TGV sud-est qu’il va longer puis traverser sous un pont. A proximité de Moissieu-sur-Dolon, le sentier grimpe vers une nouvelle terrasse des collines du Bas-Dauphiné, atteint le hameau de l’Hôpital, dont plus rien ne subsiste d’un ancien hôpital qui soignait les indigents et les lépreux.
A la lisière du bois de Taravas, j’arrive à une cabane de chasseurs. Le large chemin traverse une forêt, serpente en ligne de crête. Les champs de maïs que je côtoie sont déjà complètement desséchés. A l’entrée de Bellegarde, je grimpe par un raidillon vers la chapelle de N-D. de la Salette, rénovée. Un pèlerinage y a lieu tous les ans pour commémorer les apparitions de la Vierge à La Salette, à l’autre bout du département de l’Isère.
Je m’arrête à la table d’orientation de Poussieu. Vue sur la Valloire, une plaine alluviale fossile où les eaux deviennent prisonnières des alluvions fines et rejaillissent. Avec elles naissent les paysages les plus verdoyants de la Valloire. Les grandes cultures puis les vergers de plus en plus nombreux annoncent la vallée du Rhône.
Un peu plus loin, je retrouve Viviane.
L’après-midi, je continue en forêt, d’abord en crête puis sur le versant nord de la terrasse, sous les charmes, les châtaigniers et les chênes. Un panneau en bois indique: « Santiago : 1649 km. »
Je débouche sur la tour de Surieu, unique vestige d’un château féodal construit en molasse et cailloux granitiques. Une église en style roman primitif fait partie d’un monastère de carmélites toujours en activité.
Descendant en lacets, la route franchit le pont sur la Sanne. Une flèche d’un bleu métallique fuse au ras de l’eau : le vol rapide d’un martin-pêcheur !
J’arrive à Saint-Romain-de-Surieu, dans le pays roussillonnais.

Nous cherchons un camping que nous trouverons à Clonas-sur-Varèze, sur la RN7 en vallée du Rhône. Bruit de fond de la RN et orage à la tombée de la nuit…

Mercredi 2 septembre 2009 : Saint-Romain-de-Surieu – Chavanay.

A Saint-Romain-de-Surieu, le GR 65 attaque une dernière colline, remonte une combe pour gagner les Grands-Chênes (371 m), dans le bois de Limone.  C’est une belle forêt de châtaigniers.  
Le ciel était couvert depuis ce matin. Les nuages chargés amènent la pluie, d’abord fine puis de plus en plus drue. Au plus fort de l’averse, je m’abrite sous un arbre. Lors d’une accalmie, j’atteins les premières maisons d’Assieu, dans la vallée du Rhône. Je longe la localité par la rue St-Jacques-de-Compostelle et continue par un chemin à travers champs. J’arrive bientôt dans des vergers de pommiers, recouverts de filets qui protègent les plantations de la grêle. Le sentier longe pendant quelques centaines de mètres l’autoroute A7 avant de le traverser. Epouvantable raffut !
Je retrouve Viviane aux premières maisons d’Auberives-sur-Varèze. Nous mangeons calfeutrés dans le fourgon aux abords d’un verger. Le temps, instable, est encore pluvieux.

Cet après-midi, je vais traverser vers l’ouest le sillon rhodanien, c’est-à-dire la vallée du Rhône. Viviane me mène jusqu’à la Nationale 7. Longeant quelques vergers, je gagne Clonas-sur-Varèze. Le trajet se poursuit, inintéressant, à travers divers lotissements. Il faut s’insinuer derrière des glissières de sécurité pour cheminer en sûreté le long de la route qui franchit la voie ferrée.
L’itinéraire blanc et rouge atteint le pont qui enjambe le Rhône. Franchissant le fleuve, je quitte le département de l’Isère pour celui de la Loire.

Sur la rive droite du Rhône, le GR 65 emprunte un passage sous la voie ferrée et rejoint la Nationale 86 à l’entrée de Chavanay.
A l’étape, à Chavanay, de nombreuses caves invitent à la dégustation.
Deux crus réputés des Côtes du Rhône, le Condrieu et le Saint-Joseph sont récoltés sur des terrasses de pierres sèches orientées sud/sud-est. Enfin, le Côte-Rôtie compte parmi les vignobles les plus anciens de France.
Nous visitons une cave et achetons du vin (crus de Saint-Joseph et Côte-Rôtie).

Après cela, nous nous rendons au camping Bel’Epoque du Pilat (déniché dans le Guide du Routard)  à Pélussin, dans le Pilat rhodanien.

Jeudi 3 septembre 2009 : Chavanay – le Curtil

A Chavanay, le GR 65 aborde le Massif central par le massif du Pilat, partie septentrionale des monts du Vivarais, et pénètre dans le parc naturel régional du Pilat. Le sentier gravit la bordure rhodanienne du parc et ses vignobles en terrasses.
Petit arrêt à la chapelle du Calvaire, abandonnée en 1892 et restaurée plus de cent ans plus tard. Vue panoramique sur Chavanay et la vallée du Rhône.
Le GR traverse le hameau de Ribaudy et sa charmante place champêtre. Il descend au milieu des vignes dans le ravin du Mornieux. Dans cette région du Pilat, de petits affluents du Rhône ont creusé de profonds ravins. Végétation de milieux frais et humides qui contraste avec les espèces thermophiles des versants ensoleillés. Par un chemin empierré, je remonte sur le plateau. Les vergers remplacent les vignes. En face, les proches sommets du Pilat sont assombris par de lourds nuages noirs. Après avoir franchi un second ravin, je traverse le village de Besset puis le hameau de Goëly. C’est au milieu des vergers de pommiers au bord d’une petite route que Viviane m’attend.
Après notre repas, des promeneurs en famille, probablement parisiens, passent devant le camping-car. L’un d’eux, avec un sac plastique en main rempli de pommes, s’étonne en passant de voir sur notre table une pomme qui ne provient pas des arbres du verger. Je réponds que ce verger n’est pas à nous. Alors, rigolard et fier, il répond : « Il n’y a qu’à s’aplatir au premier coup de fusil ! » Confondant !
Je reprends mon chemin à flanc de colline. Je passe devant l’ancienne usine à tissage du Viallon, traverse des hameaux, des lieux-dits et des fermes de granite. C’est ainsi que j’atteins le hameau du Curtil.
Je rejoins à 500 mètres hors GR Saint-Appolinard  où je retrouve le Boxer près du cimetière.

A 16h, nous nous installons au camping. Nous sortons la table et les chaises : lecture, notes, apéritif au soleil. Les nuages sombres qui enserraient les sommets n’ont pas mis leurs menaces à exécution !
Lorsque je vais payer la nuitée, je discute avec l’agricultrice en retraite qui tient le camping. Occasion de comprendre un peu mieux le quotidien des petits exploitants.
A la tombée de la nuit, commence le concert des grillons.

Vendredi 4 septembre 2009 : Le Curtil – Saint-Sauveur-en-Rue.

Ce matin, temps gris uniforme.
Après une succession de hameaux à flanc de montagne avec leurs belles maisons de granite, le GR entreprend une courte mais rude montée en forêt par un beau sentier en balcon. Le paysage change ; les vergers cèdent le pas aux plateaux et pâturages. Une ferme-gîte d’étape propose un hébergement sous une yourte. Je passe devant la monumentale croix de Sainte-Blandine qui domine à 693 m d’altitude. Après le hameau de Combe-Noire, je plonge au fond d’un vallon par des escaliers en rondins. Je longe le ruisseau et, plus insolite, une vigne isolée qui semble un peu perdue loin des Côtes du Rhône. J’atteins Saint-Julien-Molin-Molette coincé au fond d’un vallon arrosé par la rivière du Ternay.
Le bourg doit son nom aux moulins à grains ou à huile et aux molettes, sortes de meules à aiguiser les lames. Moulins et molettes étaient présents en nombre ici et actionnés par l’eau du Ternay. La force motrice de la rivière fut aussi utilisée pour le tissage de la soie naturelle.
Je fais une pause sur un banc de la place principale. De vastes usines de tissage abandonnées sont transformées en ateliers d’artistes.
Le GR quitte le bourg en grimpant vers l’ouest parmi les prés jusqu’à Lampony (712 m). Il est midi lorsque j’atteins le col du Banchet (673 m). Là le soleil réapparaît. Sur l’autre versant, je dévale un chemin qui mène à l’entrée de Bourg-Argental où je retrouve Viviane.
L’après-midi, j’enjambe la Déôme, je remonte la rive droite, emprunte des escaliers et longe la muraille de l’ancienne ligne de chemin de fer Le Puy – Annonay. J'entre en ville.
Trajet assez pénible pour traverser et quitter la ville par une départementale fréquentée. Après avoir franchi à nouveau la Déôme, le sentier va emprunter maintenant pendant six kilomètres l’ancienne voie ferrée Le Puy – Annonay. Les rails ont été remplacés par une petite route qui évite les anciens tunnels mais emprunte toujours quelques ponts et le viaduc de la Poulette. Je chemine en balcon, dominant la vallée de la Déôme, jusqu’à l’ancienne gare de Saint-Sauveur-en-Rue. Là, un panneau explicatif relate l’historique des chemins de Saint-Jacques.

Je continue encore un moment, surplombant le village, avant de bifurquer pour rejoindre à 18h le camping de Saint-Sauveur-en-Rue, coincé en fond de vallée dans un lacet de la route. Viviane y est installée. Il fait un peu frais, le soleil peine à réchauffer l’atmosphère. Nous prenons un repas au snack. Comme nous sommes seuls, les propriétaires du camping  nous tiennent compagnie et nous relatent quelques anecdotes vécues sur les « Compostelles » de passage!

Samedi 5 septembre 2009 : Saint-Sauveur-en-Rue – D44 ruisseau de Saint-Julien.

A la sortie de Saint-Sauveur-en-Rue, le sentier s’élève en forte pente dans la forêt, passe à proximité de l’abri d’Aiguebelle où je rencontre un couple de randonneurs. Quand ça monte, c’est Monsieur qui porte le sac à dos de Madame… Jusqu’où iront-ils ?
L’altitude augmente. J’atteins à 1062 m la ligne de partage des eaux Atlantique – Méditerranée. Jonction avec le GR 7 (sentier Vosges – Pyrénées). L’itinéraire passe sur le versant atlantique, quitte le parc naturel régional du Pilat et le département de la Loire pour celui de la Haute-Loire, en région Auvergne.
Et voici des quads, calamités du week-end…
Dans les bois épais et les sous-bois de myrtilles et callunes des monts du Vivarais, le sentier atteint le suc du Tronche (1204 m) puis descend vers le hameau perché des Sétoux (1142 m). Allure de village de montagne. Je bois une bière dans un bistro. La patronne me demande : « vous faites le Compostelle ? »
Pendant le parcours, la vue se dégage sur les hauts plateaux et le chapelet des buttes volcaniques du massif du Meygal qui tend vers le ciel ses volcans sans cratère, évoquant un chapelet de taupinières géantes. Je chemine sur les hauts plateaux, franchis le ruisseau de Clavas sur un pont de pierre et débouche sur une hauteur ventée au milieu des champs peu avant le hameau de Coirolles où j’aperçois le fourgon.
L’après-midi, passé le hameau, je descends dans un chemin herbeux pour franchir un thalweg. Et là je m’égare. Je m’engage dans une fausse direction. Perdu dans mes pensées, ce n’est qu’au bout de vingt minutes que je me rends compte que le balisage blanc et rouge n’existe plus. Demi-tour. Lorsque je retrouve le balisage, je m’engage à contresens, remonte à Coirolles.  Curieux, tout de même, ces deux randonneurs déjà aperçus tout à l’heure assis devant un gîte… Bon sang, mais c’est bien sûr, je suis revenu sur mes pas ! Il ne me reste plus qu’à repartir, sans me tromper cette fois.
En cours de route, je téléphone à Viviane que je ne serai pas au rendez-vous à Montfaucon mais qu’elle vienne me retrouver sur la D44 en fond de vallée vers le pont du ruisseau de Saint-Julien.
Voilà, voilà… Nous nous retrouvons comme convenu. Difficile de trouver un coin pour la nuit dans cette vallée.

Nous roulons jusqu’à Tence. Vers 19h, nous arrivons au camping municipal de la Levée des Frères.

Dimanche 6 septembre 2009 : D44 – Tence.

Aux abords d’une ruine, le sentier franchit le ruisseau de Saint-Julien et s’élève dans la forêt. Je retrouve le couple de randonneurs rencontré hier matin à l’abri d’Aiguebelle. Lui est parti de Lausanne. Elle, de la Côte-St-André, en Isère.
Il fait un grand soleil, la température est agréable. A la sortie de la forêt, le GR chemine sur les hauts plateaux du Velay avec un panorama sur les sommets volcaniques du Haut Vivarais.
J’observe les circonvolutions des milans noirs et des grands corbeaux. Quelques cirrus étendent leurs filaments tout là-haut dans le ciel bleu.
Je traverse Montfaucon-en-Velay. Je fais une halte dans la chapelle Notre-Dame qui contient une collection de douze tableaux flamands du XVIe siècle, signés du peintre Abel Grimmer.
Je poursuis mon chemin à travers prés et bois jusqu’à la Combe. Nous mangeons dans le Boxer à l’orée d’un bois, à proximité d’une route départementale assez fréquentée.

Continuant pour une petite heure de marche, je rejoins les rives du Lignon. Passage au lieu-dit la Papèterie agréablement reconvertie en gîte d’étape et centre d’accueil. Au niveau du pont sur le Lignon, une stèle commémore les heures noires de l’établissement pendant la guerre.
Je longe la rivière où pêcheurs et pique-niqueurs profitent du soleil. Par une passerelle, j’enjambe le ruisseau des Mazeaux et j’entre dans Tence. Jonction avec le GR 430 (sentier de Saint Régis) avec lequel je vais faire route commune jusqu’au Puy. Une fête foraine se déroule au centre-ville. Assourdissant ! Je m’engage à droite sous une arche et je quitte la ville. Je franchis le Lignon et je longe la berge parmi les nombreux promeneurs du dimanche.
A 17h, je rejoins le camping de la Levée des Frères où nous avons dormi hier. Viviane s’y est installée, au bord du Lignon. Nous sortons table et chaises. Une vache qui broute sur la rive opposée se reflète dans l’eau en contrejour parmi le feuillage.


Lundi 7 septembre 2009 : Tence – Queyrières.

A la sortie de Tence, les deux GR bifurquent entre bois et pâtures dans un paysage agreste.


Après le ruisseau de Joux, c’est la traversée de villages et hameaux jusqu’à Saint-Jeures, sur le plateau du Vivarais-Lignon. Des onagres bisannuelles, fleurs jaunes à grosses pétales, qui s'ouvrent pendant la nuit, achèvent de faner sur les talus.
L’empreinte volcanique prend peu à peu possession du paysage. A Pouzol, vue sur le pic du Lizieux ; à Saint-Jeures, sur les sucs d’Achon et des Ollières.
Bosquets, champs et pâturages alternent jusqu’au ruisseau de l’Auze, en contrebas d’Araules.

Alors que je fais une sieste dans le Boxer après le repas, arrivent deux randonneurs belges, ceux que j’avais aperçus samedi à Coirolles. Ils nous demandent si l’on peut les véhiculer jusqu’à Queyrières, car ils doivent rejoindre Le Puy plus tôt que prévu et rentrer en Belgique. Nous sommes bien entendu d’accord,  et Viviane me largue là en quelques minutes.
Je monte à Araules (1033 m), traverse le village adossé sous une butte avec ses belles maisons de roche volcanique et leurs toits de lauze.
Bien entendu, dans la précipitation, j’ai oublié ma casquette. Or le soleil est chaud.
Le sentier va traverser le nord du massif du Meygal. Ces hautes terres de granite et de laves, hérissées de buttes volcaniques appelées sucs, résultent du formidable bouleversement qui se produisit il y a des millénaires au cœur du Velay oriental.
Le sentier entre dans la forêt du Meygal. Sur la lisière, les sorbiers des oiseleurs arborent leurs fruits rouges. J’atteins le carrefour routier des Quatre-Routes (1248 m). J’y rencontre Viviane (qui me refile ma casquette). Le GR 40 (tour du Velay) se joint aux deux autres pendant un kilomètre. Vue sur le Testavoyre et le Mounier, les points culminants du Meygal. Au hameau de Raffy, les maisons sont de roches volcaniques avec des toits en lauzes.


Je passe à gauche de la maison d’assemblée.
A partir du XVIIe siècle, une institution se développa dans le Velay. Les Béates, des sortes de religieuses laïques, se dévouaient à la population du village. Les maisons d’assemblée étaient jadis construites par le village pour héberger la béate. Elles se dressent encore ici et là, témoins de cette époque.
Je parviens aux premières maisons de Queyrières (1200 m).

Nous gagnons à 17h un petit camping  près d’un stade à Saint-Julien-Chapteuil.

Mardi 8 septembre 2009 : Queyrières – Saint-Germain-Laprade.

La vue est splendide sur le village de Queyrières, adossé à un rocher d’orgues basaltiques.


Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent…dans les prairies au pied des dômes du Meygal.
Ces dômes sont constitués de trachyte, d’andésite et de phonolithe, une lave claire qui se débite facilement en feuilles pour la fabrication de lauzes.


Le sentier descend sur Monedeyres. Ce beau village de pierres volcaniques possède une église non consacrée construite par ses habitants. A ses côtés, la maison de la Béate. Son histoire a été reprise par Jules Romains dans « Cromedeyre-le-Vieil ».




A hauteur de la Combe Noire, les deux GR remontent sur les plateaux, cheminent de hameaux en hameaux sur des sentiers et petites routes. Ils franchissent le ruisseau de Neyzac où l’on observe des moulins à toit en chaume.
Un long chemin qui longe un ruisseau me mène à Saint-Julien-Chapteuil, ville natale de Jules Romains. Je traverse la ville pour retrouver Viviane devant la mairie. Nous mangeons en terrasse d’un restaurant sur une place.

Viviane m’aide à sortir de la ville en voiture, car le trajet pendant plus d’un kilomètre sur une route fréquentée est assez dangereux.
L’itinéraire s’abaisse jusque sur les bords de la Sumène enjambée par une passerelle ; il atteint Eynac, au pied d’un superbe rocher d’orgues basaltiques, et franchit à nouveau la Sumène.


Après Tournecol, il descend vers le bassin de la Loire. Surtout sur route, et en pleine chaleur, le parcours est assez inintéressant, d’autant plus que des travaux routiers compliquent le passage. C’est ainsi que j’arrive à Saint-Germain-Laprade. Je visite la belle église, avec un chœur du Xe siècle, un des plus anciens de la région.

Retour au petit camping de St-Julien-Chapteuil à 16h15.

Mercredi 9 septembre 2009 : Saint-Germain-Laprade – Le Puy-en-Velay.

A 10h45, à la sortie de Saint-Germain-Laprade, j’emprunte un chemin de terre ombragé qui s’élève entre haies et bosquets puis rejoint la route nationale 88 qu’il va longer pendant deux kilomètres. C’est seulement aux premières maisons de Brives-Charensac, en débouchant de derrière le mont Brunelet, qu’apparaît Le Puy-en-Velay avec ses pitons coiffés de monuments religieux.
Le sentier descend vers la Loire, emprunte le pont Vieux, piétonnier, pour franchir le fleuve.



Il rejoint un rond-point, longe la Borne (un affluent de la Loire), traverse un parc de promenade, enjambe la Borne et débouche sur le pont à l’entrée du Puy-en-Velay.
Il est 12h45. Nous entrons en ville en voiture. Nous mangeons dans un restaurant, en terrasse. Lentilles vertes pour moi !
Ensuite, nous faisons une balade à pied dans la vieille ville du Puy. Dans une rue qui monte vers la cathédrale, on rencontre deux lavandières au lavoir public. A la cathédrale, nous retrouvons le couple de randonneurs déjà aperçus sur le sentier samedi et dimanche. Ils s’arrêtent au Puy. Dans une ruelle, une dentellière travaille au fuseau devant son échoppe. Nous lui achetons quelques articles en dentelle. Un peu plus loin, ce seront des lentilles vertes et de la verveine du Puy, dans un autre magasin.
Nous nous dirigeons vers le camping de la ville : trop de monde à notre goût !

Nous retournons alors pour 16h30 au camping de St-Julien-Chapteuil. Nous y sommes seuls… enfin, au début ! Parce qu’à 18h arrive un groupe de forains en caravanes…