dimanche 12 octobre 2014

Vendredi 14 septembre 2012 : Saint-Jean-Pied-de-Port – Roncesvalles (Roncevaux).

Aujourd’hui, j’entreprends le franchissement des Pyrénées.
En quittant Saint-Jean-Pied-de-Port, le pèlerin avait le choix entre gravir tout de suite la montagne et la franchir au col de Bentarte, ou suivre la vallée de la Nive jusqu’à Valcarlos et ne commencer à grimper qu’au-delà de cette localité pour culminer au col de Roncevaux.
La route du col de Bentarte n’est autre que l’ancienne voie romaine de Bordeaux à Astorga, qui constituait au XIe siècle le chemin de Saint-Jacques primitif. La route de Valcarlos est plus tardive : c’est elle qui eut, grâce aux prieurés-hôpitaux entretenus par les chanoines de Roncevaux, la faveur des pèlerins dès le XIVe siècle, l’autre étant quasiment abandonnée en raison de ses pentes trop fortes. Mais, curieux revirement de situation, la route de Valcarlos, devenue la route moderne parcourue par une forte circulation automobile, est de nos jours délaissée par les randonneurs et les cavaliers qui préfèrent affronter, dans la sérénité montagnarde, la rude montée vers Bentarte. C’est cette route qui a été choisie pour devenir l’ultime tronçon du GR 65…

Le GR quitte Saint-Jean-Pied-de-Port par la porte d’Espagne.
Je commence à grimper à 9h. Le vieux chemin historique est aujourd’hui goudronné : la route Napoléon. C’est en fait la voie romaine, ouverte en 55 avant JC, utilisée par les armées en marche et les cortèges princiers, et ce, jusqu’à l’époque de Napoléon.
Le soleil apparaît, la brume se lève, dégageant la vue sur les montagnes verdoyantes.


- 500 m d’altitude : j’atteins Honto, un hameau avec un gîte rural. Le GR quitte la route pour un raccourci un peu raide jusqu’à une table d’orientation : dernière vision sur Saint-Jean-Pied-de-Port. Il emprunte à nouveau la route et continue de grimper. J’observe un vol de vautours fauves juste avant d’arriver au refuge d’Orisson. Là, je m’arrête comme de nombreux autres randonneurs pour me désaltérer sur une table de bois en plein soleil.
- 1040 m : c’est le « tournant du Carrosse ». Une randonneuse  anglophone s’adresse à moi. Je ne comprends que : « so many people ! » Et c’est vrai  que l’on aperçoit des marcheurs les uns derrière les autres aussi loin que la vue le permet. La route continue de monter. Chevaux et vaches en liberté paissent dans les landes de fougères et sur l’alpage. Des chocards tournoient le long d’une paroi, en émettant leurs petits cris clairs et aigus.


- 1100 m : j’atteins un col sur le flanc du pic d’Hostatéguy. Sur une crête de rochers, apparaît la Vierge de Biakorri (ou Vierge d’Orisson), statue mariale apportée de Lourdes par des bergers.


Je fais une halte pendant ¾ d’heure sous les rochers pour casser la croûte. D’autres randonneurs font comme moi et s’installent tout autour. Un milan royal plane, un troupeau de moutons investit peu à peu l’alpage.


- 1220 m : à la croix Thibaut, en grès rose, le GR quitte la route et monte vers le sud par un chemin herbeux sur les flancs du pic de Leïzar Athéka.


Il atteint un petit col à la frontière espagnole, frontière qu’il va longer à l’horizontale en empruntant une sorte de corridor très raviné avant de côtoyer une hêtraie magnifique.
- 1344 m : la «  fontaine de Roland », financée par le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques dans le cadre de la rénovation du chemin de Saint-Jacques, remonte le moral du pèlerin par son eau fraîche. On est au pied du col de Bentarte. A la frontière avec l’ESPAGNE, une stèle annonce l’arrivée en Navarre (l’une des 17 communautés autonomes de l’Espagne).


La Navarre est aussi l’une des quatre provinces historiques au sud des Pyrénées composant l’« Hegoalde » ou Pays basque sud. Du IXe jusqu’au début du XVIe siècle, le royaume de Navarre a constitué le seul moment dans l’histoire où les Basques du Nord et du Sud furent politiquement unifiés et pendant lequel la culture et la langue basques se sont affirmées.
Panneaux en espagnol et en basque. La ville de Santiago-de-Compostela est à 765 km !
En Espagne, le sentier suit à flanc de montagne un chemin forestier dans une hêtraie, arrive à un col avec enclos et bergerie. Un peu plus loin, il gagne un nouveau col. Il grimpe alors sur le flanc est du Mendi Chipi.
- 1430 m : le chemin de Saint-Jacques atteint le col Lepœder, haut lieu mythique du chemin. La piste débouche sur une route goudronnée ; puis un sentier raide prend le relais et dévale la montagne le long du ravin Lepœder. C’est dans ce ravin que l’on peut situer la bataille de Roncevaux.
Le 15 août 778, l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne commandée par Roland de retour de Pampelune fut exterminée par les montagnards basques à la suite d’un guet-apens. Cette bataille est à l’origine de la « geste » la plus célèbre du Moyen Age, la Chanson de Roland, écrite trois siècles plus tard.
Il est 17h. Sortant de la forêt, je débouche enfin à 952 mètres d’altitude devant le monastère de Roncesvalles (Roncevaux).
Le monastère et l’hôpital furent fondés en 1127. Les religieux assuraient le gîte, le couvert, le bain et le coiffeur pendant trois jours maximum aux 30 000 pèlerins qui passaient chaque année.
Longtemps tombée en sommeil, la tradition hospitalière a été restaurée. La collégiale accueille aujourd’hui les pèlerins qui sont cependant nourris à l’auberge voisine. Quant à moi, c’est dans cette auberge que je vais boire une bière, au milieu des marcheurs, en attendant que Viviane me rejoigne. Elle m’attendait en effet au puerto de Ibañeta (col de Roncevaux) où je pensais arriver si je n’avais commis une erreur d’orientation dans la descente…

Cherchant un endroit pour passer la nuit, nous stationnons sur le parking à l’arrière du monastère. Sous un arbre, une sculpture noire commémore la mort de Roland.
Pas fâché d’enlever mes chaussures après cette rude journée de 26 km avec un dénivelé positif de 1270 mètres…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire