Aujourd’hui, j’entreprends le
franchissement des Pyrénées.
En quittant Saint-Jean-Pied-de-Port, le pèlerin avait le choix entre
gravir tout de suite la montagne et la franchir au col de Bentarte, ou suivre
la vallée de la Nive
jusqu’à Valcarlos et ne commencer à grimper qu’au-delà de cette localité pour
culminer au col de Roncevaux.
La route du col de Bentarte n’est autre que l’ancienne voie romaine de
Bordeaux à Astorga, qui constituait au XIe siècle le chemin de
Saint-Jacques primitif. La route de Valcarlos est plus tardive : c’est
elle qui eut, grâce aux prieurés-hôpitaux entretenus par les chanoines de
Roncevaux, la faveur des pèlerins dès le XIVe siècle, l’autre étant
quasiment abandonnée en raison de ses pentes trop fortes. Mais, curieux
revirement de situation, la route de Valcarlos, devenue la route moderne
parcourue par une forte circulation automobile, est de nos jours délaissée par
les randonneurs et les cavaliers qui préfèrent affronter, dans la sérénité
montagnarde, la rude montée vers Bentarte. C’est cette route qui a été choisie
pour devenir l’ultime tronçon du GR 65…
Le GR quitte Saint-Jean-Pied-de-Port
par la porte d’Espagne.
Je commence à grimper à 9h. Le
vieux chemin historique est aujourd’hui goudronné : la route Napoléon. C ’est en fait la voie romaine, ouverte en 55 avant JC, utilisée par les
armées en marche et les cortèges princiers, et ce, jusqu’à l’époque de
Napoléon.
Le soleil apparaît, la brume se
lève, dégageant la vue sur les montagnes verdoyantes.
- 500 m d’altitude : j’atteins
Honto, un hameau avec un gîte rural. Le GR quitte la route pour un raccourci un
peu raide jusqu’à une table d’orientation : dernière vision sur
Saint-Jean-Pied-de-Port. Il emprunte à nouveau la route et continue de grimper.
J’observe un vol de vautours fauves juste avant d’arriver au refuge d’Orisson.
Là, je m’arrête comme de nombreux autres randonneurs pour me désaltérer sur une
table de bois en plein soleil.
- 1040 m : c’est le « tournant
du Carrosse ». Une randonneuse
anglophone s’adresse à moi. Je ne comprends que : « so
many people ! » Et c’est vrai
que l’on aperçoit des marcheurs les uns derrière les autres aussi loin
que la vue le permet. La route continue de monter. Chevaux et vaches en liberté
paissent dans les landes de fougères et sur l’alpage. Des chocards tournoient
le long d’une paroi, en émettant leurs petits cris clairs et aigus.
- 1100 m : j’atteins un col
sur le flanc du pic d’Hostatéguy. Sur une crête de rochers, apparaît la Vierge de Biakorri (ou Vierge d’Orisson),
statue mariale apportée de Lourdes par des bergers.
Je fais une halte pendant ¾
d’heure sous les rochers pour casser la croûte. D ’autres randonneurs font comme moi et
s’installent tout autour. Un milan royal plane, un troupeau de moutons investit
peu à peu l’alpage.
- 1220 m : à la croix Thibaut , en
grès rose, le GR quitte la route et monte vers le sud par un chemin herbeux sur
les flancs du pic de Leïzar Athéka.
Il atteint un petit col à la
frontière espagnole, frontière qu’il va longer à l’horizontale en empruntant
une sorte de corridor très raviné avant de côtoyer une hêtraie magnifique.
- 1344 m : la «
fontaine de Roland », financée par le Conseil général des
Pyrénées-Atlantiques dans le cadre de la rénovation du chemin de Saint-Jacques,
remonte le moral du pèlerin par son eau fraîche. On est au pied du col de Bentarte. A la frontière avec
l’ESPAGNE, une stèle annonce l’arrivée en Navarre (l’une des 17 communautés
autonomes de l’Espagne).
Panneaux en espagnol et en
basque. La ville de Santiago-de-Compostela est à 765 km !
En Espagne, le sentier suit à
flanc de montagne un chemin forestier dans une hêtraie, arrive à un col avec
enclos et bergerie. Un peu plus loin, il gagne un nouveau col. Il grimpe alors
sur le flanc est du Mendi Chipi.
- 1430 m : le chemin de
Saint-Jacques atteint le col Lepœder,
haut lieu mythique du chemin. La piste débouche sur une route goudronnée ;
puis un sentier raide prend le relais et dévale la montagne le long du ravin Lepœder.
C’est dans ce ravin que l’on peut situer la bataille de Roncevaux.
Le 15 août 778, l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne commandée par
Roland de retour de Pampelune fut exterminée par les montagnards basques à la
suite d’un guet-apens. Cette bataille est à l’origine de la « geste »
la plus célèbre du Moyen Age, la
Chanson de Roland, écrite trois siècles plus tard.
Il est 17h. Sortant de la forêt, je débouche enfin à 952 mètres d’altitude devant
le monastère de Roncesvalles
(Roncevaux).
Le monastère et l’hôpital furent fondés en 1127. Les religieux
assuraient le gîte, le couvert, le bain et le coiffeur pendant trois jours
maximum aux 30 000 pèlerins qui passaient chaque année.
Longtemps tombée en sommeil, la
tradition hospitalière a été restaurée. La collégiale accueille aujourd’hui
les pèlerins qui sont cependant nourris à l’auberge voisine. Quant à moi, c’est
dans cette auberge que je vais boire une bière, au milieu des marcheurs, en
attendant que Viviane me rejoigne. Elle m’attendait en effet au puerto de Ibañeta
(col de Roncevaux) où je pensais arriver si je n’avais commis une erreur
d’orientation dans la descente…
Cherchant un endroit pour passer
la nuit, nous stationnons sur le parking à l’arrière du monastère. Sous un
arbre, une sculpture noire commémore la mort de Roland.
Pas fâché d’enlever mes
chaussures après cette rude journée de 26 km avec un dénivelé positif de 1270 mètres…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire