L’ultime étape.
Chez les pèlerins,
« beaucoup songent au chemin parcouru avec la joie de toucher au but,
d’autres sentent leur gorge se nouer à l’approche du dénouement » (dixit
le guide du Camino francés de Jean-Yves Grégoire). Les marcheurs ou les
cyclistes qui me doublent ont cessé de dire « buen camino ».
Derniers instants de calme. Après
le hameau de Villamaior, le sentier grimpe au Monte do Gozo (370
m ). C’est la colline qui surplombe
Saint-Jacques-de-Compostelle. Depuis le site, on pourrait admirer la ville de
Santiago, si le rideau d’arbres ne bouchait partiellement la vue.
Au Moyen Age, les pèlerins s’y écroulaient de soulagement et de joie
devant les multiples dômes des églises de Santiago. Aujourd’hui, on y
trouve un monument moderne (monolithe représentant Jean-Paul II), la chapelle
San Marcos, ainsi qu’un inévitable magasin de souvenirs. Un refuge de pèlerins,
gigantesque complexe, y fait suite.
A partir de là, le Camino descend
tout droit vers la ville sainte, emprunte des escaliers et débouche sur des entrelacs
d’autoroutes, de voies rapides et de voies ferrées.
J’entre à Santiago de Compostela en suivant l’antique itinéraire des
pèlerins. Je parcours l’avenida de los Concheiros jusqu’à la calle de San
Pedro. Je fais une halte pour boire un verre de cidre dans un bar.
A cet embranchement, je retrouve
Viviane, garée tant bien que mal dans un tout petit espace où elle a eu un mal
fou à se garer, vu la circulation infernale dans la ville. Bien sûr, c’est moi
qui vais devoir sortir de ce trou…
Nous allons nous installer avec
le fourgon au camping As Cancelas, sur les hauteurs de la ville : un
camping ombragé, sur des terrasses, mais aussi très onéreux.
A pied, Viviane et moi rejoignons,
sans le sac à dos, le parcours du Camino francés pour pénétrer en ville. Nous
parcourons la calle de San Pedro, en plein travaux, et nous dirigeons vers le
centre jusqu’à la Puerta
del Camino (« Porta do Camino », en galicien). La vieille ville de
Santiago se dévoile. On atteint la « praza de Cervantès ». Le granite gris orne les façades des édifices, les dalles des ruelles, les fontaines et
les statues. On arpente la rua Acibecheria et la via Sacra. Quelques marches, et
nous passons sous un porche : les pèlerins sont accueillis au son de la cornemuse
par des musiciens de rue.
L’émotion va grandissant jusqu’au
débouché sur l’immense place de
l’Obradoiro et la cathédrale, devant
la statue triomphante de saint Jacques le Majeur. Ici se termine le Camino
francés, sentier de Saint-Jacques-de-Compostelle.
La cathédrale primitive fut édifiée par Alphonse II au début du IXe
siècle juste après la découverte de la sépulture de saint Jacques. Elle sera
détruite par Almanzor en 989. En 1075, commence la construction de la basilique
romane qui subira au fil des siècles de nombreux rajouts.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’architecture
baroque transforme littéralement la cathédrale et la ville pour leur donner
l’aspect que nous connaissons aujourd’hui.
La praza de Obradoiro est envahie
de touristes, de pèlerins et routards de toute sorte, à deux ou quatre pattes.
Au nord de la place, l’ancien
hôpital des pèlerins construit par les Rois Catholiques au XVe
siècle est devenu l’un des plus célèbres et luxueux « paradores »
d’Espagne.
Il est midi. Nous entrons dans la
cathédrale, bondée. C’est l’heure de la messe des pèlerins.
Nous en ressortons discrètement,
prévoyant d’y revenir après le repas.
Nous mangeons dans une taverne,
dont l’adresse nous est fournie par le Guide du Routard. « Maria
Castaña » est une longue taverne rustique avec de grosses tables en bois.
On y déguste des calamars grillés avec un verre d’albariño, un vin blanc
fruité.
Nous pénétrons dans la
cathédrale. On y découvre le magnifique porche de la Gloire et sa scène de
l’Apocalypse, façade originelle de la cathédrale qui ne se voit plus que de
l’intérieur car aujourd’hui masquée par la façade baroque. Sous l’ample nef, le
regard est attiré par le retable principal, étourdissant de richesse, ronflant
de dorures. Le « botafumeiro », encensoir géant en argent qui voltige
pour les grandes célébrations, est accroché à la clef de voûte de la croisée du
transept.
On gagne la crypte où sont
exposées la chasse et les reliques présumées de l’apôtre, puis on s’installe
dans la file d’attente pour pénétrer dans la niche baroque à l’intérieur du
maître-hôtel. En haut des quelques marches, le but ultime du pèlerinage est
atteint : les pèlerins embrassent le buste de saint Jacques, et un triste ecclésiastique
leur remet un certificat moyennant une obole ! Nous nous dispensons de
l’embrassade et de l’obole…
Dans l’après-midi, nous allons flâner
dans les ruelles de la vieille cité qui regorge de richesses, où l’on admire
l’harmonie remarquable de la ville. Parapluies ou vestes imperméables sont de
rigueur !
Nous faisons une pause au café
Casino, l’ancien casino de la ville, classé Patrimoine historique, où l’on peut
se vautrer dans de vieux fauteuils pour écrire nos cartes postales tout en dégustant
du cidre.
Nous nous rendons à l’Office des
pèlerins. C’est là que les pèlerins viennent enregistrer leur credencial et
obtenir la « compostela », attestation officielle de l’authenticité
de leur pèlerinage : il suffit
d’avoir effectué les 100 derniers km à pied ou à cheval, ou 200 km en vélo. Cela ne
me concerne pas, puisque je n’ai pas de credencial, vu notre utilisation du
camping-car.
Dans toute la ville déambulent randonneurs
et pèlerins, un peu hagards et désorientés après ce long parcours qui vient de
se terminer.
A 18h30, nous avons rendez-vous
avec Anne et Jacques sous les arcades de l’hôtel de ville, en face de la
cathédrale. Comme il se doit, il pleut. Nous observons le spectacle permanent de
la praza de Obradoiro, avec ses touristes et marcheurs qui se photographient
devant la cathédrale, ses pèlerins désargentés, ses mendiants et ses routards
qui font cuire leur popote sous les arcades.
Quand arrivent Anne et Jacques,
nous passons avec eux à l’Hôtel des Rois Catholiques qui offre le repas gratuit
le matin, le midi et le soir aux dix premiers pèlerins qui se présentent munis
de leur compostela. Effectivement, quelques pèlerins sans le sou,
essentiellement des jeunes, attendent près d’une entrée latérale que les portes
veuillent bien s’ouvrir.
Quant à nous, nous retournons
tous les quatre au café Casino boire cidre, bière ou jus de fruit, en guise
d’apéritif. Nous parcourons ensuite les ruelles du centre historique pour
trouver un restaurant. Finalement, nous entrons dans un petit établissement qui
ne paie pas de mine. Ambiance bruyante, lumière crue, patron pas aimable… Et
pourtant nous allons nous régaler de fruits de mer, de coques, de calamars et de
poulpes (« pulperías a feira », cuits dans un chaudron en cuivre), le
tout arrosé d’un albariño.
On sort du restaurant à la nuit
et sous la pluie. Nous disons adieu à nos amis à qui l’on promet de rester en
contact une fois de retour en France. Viviane et moi rentrons en taxi au
camping As Cancelas pour 22h10. C’est le clap de la fin. L’aventure est
terminée…
Fin du GR 65/Camino francés, sentier de Saint-Jacques-de-Compostelle.
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