Je quitte notre emplacement à
8h30. Le chemin monte à travers la lande puis rejoint la route qu’il va côtoyer
de près ou de loin jusqu’à Foncebadón. Rocailleux et défoncé, il traverse le
village en partie ruiné.
Un chemin herbeux longe un muret
puis s’élève à flanc de montagne dans des landes de plus en plus austères.
Rejoignant la route, j’atteins un
col (1490 m )
où s’élève une croix, la Cruz de Ferro, lieu emblématique du
Camino.
La pyramide de cailloux est le
résultat d’un millénaire de passages. Chaque pèlerin ayant déposé sa pierre a
contribué à l’édification de ce monument coiffé d’une croix. On y trouve de
tout, des inscriptions sur les cailloux ainsi qu’un fatras d’objets insolites
délaissés, tels que des chaussures.
Paysages grandioses, quasi
déserts. La piste coupe et recoupe la chaussée jusqu’au hameau ruiné de Manjarín. L’unique maison à peu près
debout est le refuge des pèlerins, tenu par Tomás, « l’hospitalier-templier-marxiste-léniniste-croyant
et légèrement fêlé » (dixit Jean-Yves Grégoire, dans le guide du Camino).
J’y fais une halte en compagnie
de deux Français avec lesquels je chemine. Et de fait, c’est un véritable bazar.
Le bonhomme est complètement déjanté. Le refuge ne compte ni eau ni
électricité, mais il attire les touristes. Nous y côtoyons des randonneurs mais
aussi des personnes du troisième âge parvenues en autocar…
Des vaches à la belle robe fauve paissent
dans un enclos en contrebas. Ce sont les premières que j’aperçois depuis les
Pyrénées.
La piste piétonnière double la
route dans certaines portions. Après une zone militaire interdite, le chemin
domine un col à une altitude de 1517 m , le point culminant du sentier de
Saint-Jacques-de-Compostelle. Puis c’est la descente à travers la lande,
sur le versant ouest. Curieusement, beaucoup de marcheurs préfèrent suivre la
route.
Le sentier finit en raidillon
pour entrer dans El Acebo.
Changement de décor : c’est un splendide village montagnard à l’architecture
radicalement différente de celle du versant est. Nous descendons dans la vallée
du Bierzo. L’ardoise et les grosses pierres de schiste habillent l’habitat, au
lieu de la tuile et des murs d’adobe de la Meseta. « La
celtitude nous assaille » dit Jean-Yves Grégoire.
A 13h, nous nous installons, avec
Viviane, aux abords d’une friche à la sortie du village.
Nous remarquons une colonne de
fumée sombre qui s’échappe d’un massif environnant et qui prend de plus en plus
d’ampleur : un incendie de forêt. A 14h45, lorsque je décide de continuer,
je suis bloqué à la sortie du village : pompiers et gardes civils
interdisent le passage. Bientôt, d’autres marcheurs se retrouvent dans la même situation
que moi. Sur ces entrefaites arrive Viviane qui me suivait. Nous avions prévu
comme étape de rejoindre Molinaseca, 9 km plus loin. Le Ducato va être bien utile. Nous
invitons deux pèlerins français bretons, Anne et Jacques, à profiter du
véhicule. Pas possible d’en transporter plus. Les autres devront s’adresser à
la municipalité pour qu’elle leur ouvre une salle, car tous les refuges sont
complets.
Massif
montagneux oblige, nous effectuons en voiture une large boucle de 100 km par Astorga pour
rejoindre Molinaseca ! Nous avons tout le temps de faire plus ample
connaissance. Anne et Jacques sont partis de Bretagne à la mi-juin. Ils ont
laissé leurs ânes à Moissac et parcourent tous deux le sentier jusqu’à
Santiago.
Arrivés enfin à Molinaseca, nous accompagnons Anne et
Jacques à la recherche d’un hébergement. Nous nous installons sur un parking
aux abords du village puis nous retrouvons nos compagnons pour boire un pot en
terrasse d’un bar. On observe le ballet incessant des hélicoptères qui
treuillent par des câbles des poches d’eau pour tenter d’éteindre l’incendie. Nous
parcourons ensemble le village jusqu’au pont des Pèlerins qui marque l’entrée
du Camino dans la cité. C’était à
l’origine un ouvrage roman qui fut maintes fois remanié en raison des crues
dévastatrices. Anne se souvient que lors d’un précédent pèlerinage, il y
avait un piano sous le pont. En fait, il ne s’agit actuellement que d’un
vulgaire baby-foot !
Nous nous séparons de nos
nouveaux amis et rejoignons le parking. Là nous admirons les productions d’un
jardinier juste à côté, notamment des oignons impressionnants par leur taille.
Lorsqu’il quitte le jardin, Viviane lui propose d’acheter un oignon. Il nous
les offre, tout naturellement…
Nous passons la nuit sur le parking.
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